Alors que le Parti Socialiste (P.S.) vient d'annoncer des solutions pour "sauver notre système de retraite", permettant de trouver 19 milliards d'euros par an, je me devais de contribuer modestement au débat, en répondant aux questions qui vont suivre.
100 milliards d'euros de déficit en 2050 pour nos caisses de retraite, est-ce grave ?
Martine AUBRY semble en douter. 100 milliards d'euros, c'est selon elle l'équivalent de l'augmentation du déficit budgétaire en 2009. Bref si on peut supporter 100 milliards d'euros de déficit budgétaire en plus, il n'y aurait aucun problème à assumer le même montant de déficit pour nos caisses de retraites en 2050.
En dehors du fait que 2009 est une année exceptionnelle et que nous ne connaissons pas le niveau de déficit et de dette pour l'année 2050, la Première Secrétaire du P.S. semble n'avoir pas bien compris l'enjeu du problème.
Emprunter au moins 100 milliards d'euros, chaque année à partir de 2050, pour payer les pensions des retraités est en effet une véritable bombe économique et sociale. Les intérêts de cette dette incompressible et annuelle seront payés par qui ?
Réduire un budget d'un Etat est déjà difficile, la Grèce en sait quelque chose. En France, quand on décide de diminuer le nombre de fonctionnaires pour réduire la masse salariale, la mesure passe mal... Mais c'est une mesure qui reste possible à faire... En revanche une chose est acquise : diminuer le nombre de retraités est, en tout cas selon nos valeurs d'aujourd'hui, heureusement impossible. En définitive il y a bien des efforts à faire, et à faire dès maintenant, si l'on souhaite sérieusement sauver notre système par répartition.
Faut-il augmenter la durée de cotisation ?
Il semble que nous n'ayons pas vraiment le choix. Le Conseil d'Orientation des Retraites (C.O.R.) estime en moyenne à 45 milliards les sommes à trouver chaque année jusqu'en 2020 pour garantir un financement "équilibré" du système. Après 2020 la situation est encore plus périlleuse.
On a donc d'un côté le gouvernement qui discute avec les partenaires sociaux et qui vient de présenter ses axes, déjà jugés inconcevables par les syndicats notamment sur l'élévation de l'âge légal du départ à la retraite. De l'autre, le P.S. émet des solutions représentant moins de la moitié de ce qu'il faudrait trouver, sans toucher à l'âge légal du départ à la retraite, ni vraiment sur les durées de cotisation. Il faut dire que 2012 est une date bien plus rapprochée que 2050.
Sauf que les données démographiques connues de tous et surtout les données économiques sont implacables. Avec un taux de chômage de 4,5% en France (du jamais vu depuis 19?? !), on aurait un déficit des caisses de retraite de 75 milliards d'euros en 2050... Et il s'agit du scénario le plus optimiste. Il est d'ailleurs assez amusant de constater que l'opposition a critiqué le rapport du C.O.R. en expliquant qu'il était trop pessimiste. Je pense pourtant que n'importe quel gouvernement signerait tout de suite un taux de chômage à 4,5% !
En tout cas cette étude tord le coup à une idée trop souvent avancée : "avec la baisse du chômage il y a plus de cotisants et donc le problème du financement n'existe pas... ". Malheureusement le problème démographique est tel que même un chômage quasi inexistant ne pourrait venir à bout de la question du financement des retraites.
Faut-il taxer les plus riches ? Faut-il taxer les revenus du capital pour élargir l'assiette ?
Selon moi... NON ! Je pense que la proposition du gouvernement qui consiste à créer une nouvelle contribution sur les revenus du capital, en dehors du bouclier fiscal, ne va pas dans le bon sens.
D'abord une petite remarque : il y a un débat pour savoir si cette nouvelle contribution, dont on ne connaît pas le contenu, est une entaille au bouclier fiscal. Assurément oui aux yeux des commentateurs car en payant cette contribution complémentaire certains bénéficiaires du bouclier fiscal donneront plus de 50% de leur revenu fiscal de référence au Trésor Public. Voilà une argumentation un peu sommaire. On peut très bien aujourd'hui être bénéficiaire du bouclier fiscal et donner plus de 50% de son revenu fiscal de référence au Trésor Public ! Par exemple si vous possédez une résidence secondaire la taxe foncière et la taxe d'habitation de cet immeuble n'entrent pas dans le calcul du bouclier fiscal. S'agit-il d'une entaille avant l'heure ??
Mais revenons au sujet. La taxation des revenus du capital pose deux problèmes majeurs.
Premièrement l'idée de la réforme est de trouver des ressources stables pour garantir le régime par répartition. Taxer les revenus du capital ne permet en rien de respecter cet objectif... Compte tenu de la crise mondiale que nous venons de traverser il est assez difficile de ne pas remarquer l'évolution en dents de scie des revenus du capital. Ainsi une telle mesure rend tributaire l'octroi des retraites à des performances économiques que l'on sait cycliques.
Deuxièmement et surtout, taxer les revenus du capital revient en définitive à tuer notre régime par répartition... Effectivement parmi les contribuables taxables nous trouverons des retraités. Ceux-là, qui ont un immeuble donné en location ou quelques actions, seront contraints via cette contribution de financer leur propre retraite... Sans commentaire.
Faut-il prendre en compte la pénibilité ?
Selon le bon sens populaire, si l'on doit augmenter les années de cotisations, les Français qui ont un travail diffcile devraient pouvoir obtenir de partir plus tôt que les autres à la retraite.
Franchement... J'ai encore envie de répondre NON ! Certes il y a d'abord le problème de la définition qui n'est pas simple à résoudre. Qu'est-ce qu'un métier pénible ? Spontanément on pense aux métiers du bâtiment ou au secteur industriel. Et puis en poussant la réflexion un peu plus loin on s'aperçoit vite qu'il est difficile de trouver des emplois qui ne sont pas pénibles... Après tout le juge de 60 ans qui rend sa décision à minuit au tribunal n'a pas forcément une vie facile. Mais en dehors de la question de la définition ce qui m'ennuie sur ce bon sens populaire ce sont les deux points suivants.
D'abord, s'il y a des métiers plus pénibles que les autres alors peut-être qu'il faudrait s'interroger sur comment on pourrait les rendre moins pénibles... Les caisses de l'assurance maladie ne s'en porteraient pas plus mal, en dehors du seul problème des retraites. Recruter plus d'inspecteurs du travail pour faire respecter les régles élémentaires sur les chantiers coûterait peut-être moins cher à la collectivité (même si cela fait un peu cliché...).
Ensuite et surtout, et là c'est une situation purement franco-française, notre société semble n'avoir toujours pas intégré qu'on n'avait pas l'obligation de faire LE même métier durant toute sa vie professionnelle. Pourquoi quelqu'un qui fait un métier dit pénible est-il condamné à le faire pendant 42 ans ? Je n'arrive pas à comprendre ce consensus alors que dans le même temps des enquêtes successives ont pu démontrer la gabgie de la formation professionnelle. Voilà un secteur qui devrait être réformé tant dans ses moyens que dans ses objectifs. On devrait pouvoir se former tout le long de sa vie et pouvoir se reconvertir sans que cela paraisse anormal et sans être découragé. Alors que tout le monde se gargarise de mots tartes à la crème comme solidarité ou encore égalité, comment notre société peut-elle accepter qu'une personne qui souffre physiquement au travail dès 40 ans, puisse partir à la retraite deux ans avant tous les autres au nom de la pénibilité ? Est-on réellement certain de traiter le problème avec ce genre d'expédients ? Combien coûtent à la société les arrêts de travail ou encore les prestations de travail pour invalidité du fait de la pénibilité du travail ?? Bref, tenir compte de la pénibilité me choque car cela valide de manière expresse l'incurie de notre formation professionnelle.
Alors, quelles solutions ?
Trois solutions de bon sens et en même temps "obligatoires" seront déployées :
- l'augmentation du taux de cotisation retraite dans la fonction publique, en retrait aujourd'hui d'à peu près trois points par rapport au secteur privé
- l'augmentation de la durée de cotisation
- la diminution du taux de cotisation "chômage" pour augmenter d'autant en valeur le taux de cotisation "retraite" une fois la venue d'une diminution structurelle du chômage.
S'il faut trouver une taxe pour aider au financement du système, j'ai une idée ! Il est vrai qu'inventer une taxe n'est pas très difficile... On pourrait donc inventer une contribution sur toutes les machines remplaçant l'homme dans les secteurs non délocalisables. Je pense par exemple aux distributeurs automatiques (de billets, de boissons, de DVD, de pizzas !, etc). Une contribution sociale forfaitaire de 100 € par mois pour chaque distributeur de billets en France, rapporterait 60 000 000 d'euros par an (il y a 50 000 DAB en France environ). Dès lors que les machines créent de la valeur à la place de l'être humain il ne serait pas anormal qu'elles contribuent aussi à la pérénité du système, sans pour autant que cela nuise à l'investissement et à notre compétitivité.
Mais si vous avez d'autres solutions, à vos claviers !!