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22 mars 2010 1 22 /03 /mars /2010 09:53

Après la soirée électorale d'hier soir, il est temps de prendre du recul et d'établir le bilan de ces élections régionales 2010.
Je vais aborder ce bilan point par point mais si j'avais le malheur d'en oublier un n'hésitez pas à me le faire remarquer.


Une abstention inquiétante.

Avant d'évoquer à proprement parler de la très faible participation enregistrée à ce scrutin, je vais d'abord vous avouer que pour des raisons de santé je n'ai pas pu voter au premier tour. Il m'est donc venu cette réflexion, jamais abordée il me semble. Il existe, à chaque jour d'élection, un taux d'abstention incompressible tout comme il existe un taux de chômage incompressible largement étudié en macroéconomie. Il serait donc très intéressant qu'une étude soit menée sur le sujet pour non seulement établir le niveau de participation au-delà duquel nous ne pouvons pas aller et aussi pourquoi pas pour trouver des solutions pour le faire diminuer en modernisant notre législation. Diminuer un taux incompressible ? Il est en réalité incompressible dès lors que tout a été tenté pour le faire diminuer. Pour ma part j'aurais pu par exemple voter de mon lieu d'hospitalisation par internet ou sur une machine à voter.

Mais revenons à l'abstention. Les taux de 53,6% au premier tour et de 48,81% au second sont peu glorieux. Des études sortiront les prochains jours mais les raisons de ce désamour sont nombreuses. Il y a d'abord le contexte politique qui sera largement abordé ci-dessous. On peut toutefois faire remarquer qu'en plus d'une tradition établie qui veut que les élections régionales ne profitent pas à la majorité parlementaire, force est de constater que l'UMP a râté lamentablement ces élections. Il y a ensuite un contexte économique et social tendu, générant des situations humaines insupportables, qui ne permet pas à la moitié du corps électoral de préférer un camp à l'autre dans la recherche de solutions. Il y a enfin l'échec total de la "collectivité région". Un formidable gâchis. Tout d'abord il n'existe aucun enjeu véritable compte tenu des compétences données à la région. Le F.N. disait que l'U.M.P. votait 90% des projets socialistes. En réalité quand un lycée a besoin d'une rénovation il est difficile de voter contre. Ainsi la région intéresserait sans doute davantage les citoyens si elle avait plus de compétences moins consensuelles. Il y a enfin un mode de scrutin visiblement incompréhensible qui mérite à lui-seul un commentaire approfondi.


Un mode de scrutin visiblement incompréhensible.

Une tête de liste régionale, des listes départementales avec chacune une tête de liste, un scrutin à deux tours... Tout est fait pour que le "citoyen étalon" soit perdu et surtout désintéressé par ce mode de scrutin. On me dira tout de go : mais vous êtes qui pour dire que les citoyens n'y comprennent rien ??
Il ne s'agit pas de dire que les citoyens sont stupides, il s'agit de constater que ce mode de scrutin met une barrière entre le citoyen et le conseil régional. De plus quelques exemples précis suffisent à démontrer que les choses ne sont pas vraiment claires dans l'esprit des gens, même les plus avisés.

Je note d'abord qu'une très large majorité de Français ne connaît pas le nom de leur Président de région. La probabilité qu'il en soit ainsi pour les conseillers régionaux est très forte. Si vous avez un problème relatif au département vous savez que vous pouvez contacter votre conseiller général, sorte de mini-député attaché à un canton. Mais si vous avez un problème avec la région ? Vous contactez qui et où ? Ainsi le mode de scrutin à la proportionnelle éloigne de facto le citoyen du conseil régional en ne permettant pas à l'élu d'avoir un enracinement.

L'A.F.P. a titré une dépêche hier : tous les ministres candidats sont battus. Voilà un exemple précis qui montre que l'A.F.P. n'a rien compris au scrutin. Tous les ministres candidats, en place éligible (donc non en fin de liste), sont élus... Ils n'ont donc rien perdu du tout puisqu'ils ont tous "gagné" un poste de conseiller régional, le poste d'ailleurs qu'ils visaient car peu étaient finalement têtes de liste régionale.

Au soir du premier tour beaucoup ont discuté l'absence de réserve de voix pour l'U.M.P. alors que dans de nombreuses régions la gauche était arithmétiquement majoritaire. Là encore les médias ont montré qu'ils n'avaient rien compris au scrutin... Car un camp peut très bien être majoritaire en voix dans une région et perdre pour autant l'élection. En effet si le camp minoritaire en voix arrive toutefois en tête dans les départements plus peuplés, qui envoient donc plus de conseillers régionaux, alors il peut être majoritaire au conseil régional. C'est un peu ce qu'il s'est passé dans le duel Bush / Gore où Al Gore était majoritaire en voix mais Georges Bush avait à la sortie plus de grands électeurs. Tout comme en 2001 aux éléctions municipales, où la droite était majoritaire en voix à Paris mais Bertrand Delanoë l'avait toutefois emporté.
J'en viens alors  à la Corse qui bascule à gauche... Selon les médias... Qui avaient auparavant expliqué que l'U.M.P. détenait la région. Deux erreurs :
1/ l'U.M.P. ne détenait pas la région, son prédident de région était U.M.P., ce qui change tout. Il avait été élu Président de région en créant une sorte de coalition majoritaire entre l'U.M.P. et les régionalistes au sein du conseil régional.
2/ au soir du second tour la gauche n'est pas majoritaire et arithmétiquement une coalition peut toujours se former pour la mettre dans l'opposition.

Pour confirmer cette démonstration : aucune chaîne de télé n'a parlé du nombre de conseillers régionaux obtenus par chaque camp, ce qui est quand même ce pour quoi nous avions voté... Cela me laisse pantois.

Bref. En se focalisant sur des pourcentages comme s'il s'agissait d'un scrutin uninominal, les commentateurs semblent n'avoir strictement rien compris à ce mode de scrutin, qui sera d'ailleurs le dernier, dieu merci.

Le retour de la gauche ?

Il faut bien parler en premier des gagnants de ce scrutin. Mais peut-on parler d'un retour ? Non. Depuis 2004 toutes les élections locales sont gagnées par la gauche. Ce n'est donc qu'une confirmation, annoncée d'ailleurs par les sondages depuis les six derniers mois. En nombre de régions tout d'abord la gauche en perd deux mais bizarrement les changements électoraux hors métropole intéressent peu. En revanche la gauche progresse en voix, le fait est indéniable : le niveau de 54% laisse entrevoir des chances de succès dans un futur proche.
Toutefois les problèmes de la gauche ne sont pas résolus malgré cette victoire. L'union de façade a fait recette mais après ? Les socialistes ont gagné grâce aux écologistes et au front de gauche dans une gauche dite solidaire. Sauf que dès l'union scellée on ne parle plus que de Martine Aubry... Il y en a qui sont donc plus solidaires que d'autres.

On comprend bien que pour la gauche maintenant tout reste à faire. Certes elle sait qu'elle peut mobiliser largement son électorat. Mais les questions programmatiques, de leaders ou encore de gestion de cette gauche solidaire ne sont toujours pas résolues. Jean-Luc Mélanchon a par exemple indiqué qu'il lui était impossible de voter pour Dominique Strauss-Khan. Ces questions devront pourtant trouver des réponses si la gauche veut pouvoir l'emporter en 2012 car son succès d'hier soir ne marque pas un enthousiasme débordant. Les grands leaders nationaux avaient en effet indiqué que le bilan des Présidents de région socialistes était très bon : 1 électeur sur 2 est resté chez lui, indifférent.


Le retour du Front National ?

L'excellent score de la famille Le Pen donne lieu à toute sorte de polémiques, inquiétantes tant la mauvaise foi des instigateurs transpire. Quand le F.N. était en-dessous de 10% ce n'était pas bien car Nicolas Sarkozy avait utilisé un discours droitier pour attirer les électeurs frontistes. Quand le F.N. connaît des sommets c'est à cause de Nicolas Sarkozy avec le débat sur l'identité nationale... Bref. Mais qu'a fait la gauche, elle, pour reconquérir les voix du F.N. ? Ah oui, annoncer avant le scrutin qu'elle était favorable au vote des étrangers aux élections locales. Ah oui, en expliquant que parler des Français et de la France, c'était faire le jeu du F.N....

Cet excellent score est pourtant beaucoup plus simple à expliquer. A chaque crise économique les votes extrémistes progressent nettement, expliquant d'ailleurs bien des choses dans l'histoire du XXème siècle. Je note au passage que les partis extrémistes de gauche boivent la tasse à ce scrutin, ce qui explique d'autant mieux la force du vote protestataire F.N..

Là encore la famille Le Pen a fortement mobilisé, ce qui donne un effet de trompe l'oeil avec la faible participation. Le F.N. est néanmoins dans une dynamique qu'on ne pourra pas ignorer.


La droite sans punch.

Reste le cas de la lourde défaite de la droite à analyser. Les députés grognent contre l'ouverture à gauche, certaines réformes ou encore le débat sur l'identité nationale. Je ne crois pas que des réponses seront à trouver dans ces directions, bien au contraire. Le problème est ailleurs. Certes il y a le désespoir face à la crise économique et sociale et la fameuse faible mobilisation de l'électorat proche de la majorité parlementaire lors des élections locales. Mais j'identifie un gros problème qui a scellé le sort de la droite avant même que l'élection n'ait lieu.

La droite n'a plus d'appétit. Vouloir se présenter seule face à tous (cf. sur le débat des régionales sur France 2) c'est très bien et cela peut marcher comme l'a fait Nicolas Sarkozy en 2007. Mais à la condition d'en vouloir et d'avoir du peps. Lors des interviews, les leaders de l'UMP sont en pyjama, subissent les questions et ne peuvent jamais attaquer puisqu'ils ne savent même pas se défendre. Ils font souvent peine à voir. Exemple avec le bouclier fiscal. La gauche a trouvé son angle d'attaque depuis 2007, en racontant n'importe quoi, et la droite n'a toujours pas compris comment il fallait défendre le dispositif. Ainsi quand Laurent Fabius explique hier soir, sans rire, que les contribuables doivent payer pour donner un chèque aux grandes fortunes je ne comprends pas pourquoi Christine Lagarde ne l'a pas interrompu en disant qu'il racontait n'importe quoi. L'argent donné aux bénéficiaires du bouclier fiscal étant la restitution d'un trop perçu par le Trésor Public, il est absolument inepte de dire que les autres contribuables doivent passer à la caisse. Il conviendrait aussi de rappeler à Laurent Fabius, qui prone la justice sociale, que le bouclier fiscal est en phase avec ses attentes, puisqu'il concerne aussi les accidentés de la vie (perte de revenus suite à chômage, maladie, accident du travail ou même année catastrophique pour les indépendants) qui, sans le sou, devraient payer une taxe d'habitation et souvent une taxe foncière qui pèsent de plus en plus lourd dans le budget.

De plus en plus on entend que la droite n'a pas tenu ses promesses... Mais qui rappelle que pratiquement toutes ont été tenues dès l'été 2007 ? Il s'agit donc d'un manque de résultats, pour autant meilleurs qu'ailleurs ? Mais qui explique que la crise économique a mis des bâtons dans les roues à cette politique, comme d'ailleurs elle l'aurait fait pour chacune des politiques proposées aux Français en 2007 ? Quand Cécile Duflot dit que le gouvernement a fait augmenter le chômage de 850 000 personnes en 18 mois, cela montre qu'il existe des Français qui n'ont pas eu vent de la crise économique majeure de 2008/2009... Le discours des leaders nationaux doit nécessairement en tenir compte.

La droite doit donc être fière de ses réformes et se mettre au travail pour préparer 2012... A chaque fois on rétorque au sortant lorsqu'il présente son programme : "mais pourquoi vous ne l'avez pas fait ?" Nicolas Sarkozy, s'il se représente, sera le seul sortant de l'histoire à pouvoir se défaire facilement de cette critique, en disant par exemple :" je croyais que j'en faisais trop !"

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