Les journalistes avaient la banane ce soir : que de monde, que de monde dans les rues ! Et en plus tout le monde est content, tout le monde est ravi. Les médias n'ont même pas pu dégoter un Français manifestant sa colère face à ces cortèges aussi perturbateurs dans la vie quotidienne que vains dans la recherche de solutions.
J'en profite pour dire que je trouve toujours formidable de diffuser des témoignages de Français hostiles à la réforme sans donner d'autres sons de cloche. Les bêtises assenées sont-elles comptabilisées dans le temps de parole de l'opposition ?
En plus de cette joie générale, les journalistes n'ont pas manqué d'expliquer que la journée d'aujourd'hui constituait un tournant dans le mouvement de contestation contre la réforme des retraites. Des lycéens ont en effet investi les cortèges pour dire qu'ils étaient contre la retraite à 62 ans.
Face au ridicule de la situation, d'éminents spécialistes sont invités sur les plateaux pour dire que la jeunesse est concernée et qu'il est tout à fait légitime de la voir dans la rue. Le grotesque s'affirme davantage quand des lycéens prennent la parole lors de micro trottoirs affligeants d'un côté mais rassurant de l'autre quant à leur mémoire. Effectivement la récitation des tracts gauchistes ne pose aucun problème. Et un argument passe en boucle : si les "vieux" partent plus tard il n'y aura pas de place pour les jeunes.
Cet argument, ou plutôt cette vérité du café du commerce, est la démonstration du manque total de réflexion sur le sujet. Il n'y a en effet aucune corrélation entre taux de chômage et âge de départ à la retraite. S'il devait y en avoir une, elle ne serait pas favorable aux biactoliens des cortèges et ce pour trois raisons.
1/ Quand Pierre MAUROY, pleurant au Sénat ces derniers jours, acta la baisse de l'âge de départ à la retraite (de 65 ans à 60 ans) début des années 80, il n'avait sans doute pas prévu que le chômage allait augmenter de 800 000 personnes jusqu'en 1986. C'est pourtant ce qui arriva. Donc si la baisse de l'âge de départ à la retraite n'entraîne pas une baisse du chômage (pour ne pas dire qu'elle entraîne une hausse...) d'après le recul historique que nous avons, le chômage n'a alors aucune raison d'augmenter si l'âge de départ à la retraite est relevé.
2/ D'autant que si l'âge de départ à la retraite n'est pas relevé, alors de nouveaux prélévements seront nécessaires pour financer le trou énorme des caisses de retraite. Qui peut croire cette jeunesse quand elle prétend pouvoir trouver plus facilement un emploi si les "vieux" font de la place, si au même moment un coup de bambou fiscal et social s'abat sur la tête des consommateurs et des entreprises pour financer cet "acquis social" ?
3/ Enfin il est toujours triste de constater la mise sous cloche de l'économie française dans l'esprit d'un grand nombre de personnes. A croire que notre économie ne pourrait plus croître, qu'elle serait à son maximum... Selon cette idée pessimiste on en déduit que pour que tout le monde ait un job il faut diminuer le temps de travail et faire partir les "vieux" plus rapidement... Heureusement que la vraie vie n'est pas celle là et que notre économie croît en fonction de nos besoins et des nouveaux marchés qui s'ouvrent. Par exemple il y avait 100 000 salariés dans le secteur de l'aide à domicile en 2000. Il y en avait 210 000 en 2008. Le nombre d'établissements à quant lui augmenté de 40% sur la même période. Heureusement que ce secteur n'a pas attendu les départs en retraite pour croître et recruter...