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1 avril 2010 4 01 /04 /avril /2010 23:40

Mais quelle mouche m'a piqué ? Comment ? Il en reste encore pour défendre le bouclier fiscal ? Comme je l'avais signalé en 2009 dans deux articles portant sur le même sujet (B comme Bouclier fiscal et Bouclier fiscal : 719 c'est moins que 649 !), le bouclier fiscal étant un diable, je ne peux que le défendre. Et je n'ai pas changé d'avis, figurez-vous !

 

Diable ? J'ai en fait du mal à trouver un mot encore plus fort. En 2009 l'U.M.P. soutenait cette mesure et avait d'ailleurs rejeté sans aucun problème toutes les tentatives parlementaires socialistes pour abroger ce dispositif. Aujourd'hui, des parlementaires de la majorité doutent, sans aucun argument économique valable et donnant raison ainsi à la gauche.

Avant d'entrer dans le fond du sujet je refais remarquer que le personnel politique de l'U.M.P., cadres, ministres, parlementaires, sont particulièrement décevants quand il s'agit de défendre la politique conduite par l'exécutif. Aucun argument pour faire mouche. Aucune explication valable. Aucun raisonnement. Aucun sens politique. Non. Sur les plateaux on subit, on divague, on ne maîtrise pas grand chose... Et la gauche s'engouffre et gagne la bataille de l'opinion. Ce sera un peu trop facile de tout mettre sur le dos de Nicolas SARKOZY en cas de défaite aux législatives de 2012.

 

Les médias s'y mettent. Quand je parle des médias je veux parler des éditorialistes de la presse écrite et de ceux qui dépensent de l'argent pour faire des sondages sur le sujet.

Les éditorialistes ne sont pas tendres avec Nicolas SARKOZY, faisant un copier-coller de l'argumentaire de la gauche : le Président de la République n'entend rien suite aux élections régionales. Avec la défaite de l'U.M.P. les Français ont voulu dire qu'ils voulaient plus de justice sociale... Et donc qu'ils souhaitaient l'abrogation du bouclier fiscal. Je crois qu'en matière de malhonnêteté intellectuelle on peut difficilement faire mieux. Certes on avait l'habitude que les éditorialistes fassent parler les morts. DE GAULLE aurait fait ci, MITTERRAND aurait dit cela. Là c'est encore mieux : on fait parler les Français. 50% des Français n'ont pas voté, et les deux tiers des votants ont indiqué dans les sondages qu'ils votaient exclusivement pour des considérations régionales. Bref. Dire que le Chef de l'Etat n'entend pas le message des Français en n'abrogeant pas le bouclier fiscal est une déduction partisane qui n'a aucun crédit.

S'agissant des sondages de cette semaine, on apprend que 80% des Français sont désormais contre le bouclier fiscal. Dans cette masse de Français certains veulent une abrogation pure et simple, d'autres une simple suspension. La bataille de l'opinion est donc actuellement perdue, on ne peut pas le nier. Mais enfin il y a quelque chose que je veux faire remarquer. Les Français aiment à dire qu'ils ne comprennent absolument rien à la fiscalité. Les lois seraient trop complexes et si on pouvait d'ailleurs simplifier tout cela ce ne serait pas du luxe... Je note avec délice que ces Français qui ne comprennent habituellement rien à la fiscalité, d'après leurs dires, ont en revanche compris tout le dispositif du bouclier fiscal. Ils maîtrisent parfaitement le sujet. Chose assez curieuse, surtout lorsque l'on sait que les services des impôts refusent parfois des demandes à bénéficier du bouclier fiscal pour des raisons de mauvaise interprétation des textes. J'en déduis que si certains fiscalistes se trompent la probabilité est forte pour que le dispositif soit plus complexe qu'on ne le pense.

 

Alors quels sont les arguments déployés par la gauche et par certains membres de l'U.M.P. (principalement des partisans de DE VILLEPIN) pour remettre en cause le bouclier fiscal ?

Il s'agit principalement d'un argument typique de lutte des classes, opérant une dichotomie de la société avec d'un côté les très riches et de l'autre les pauvres... Et pour rallier plus largement à la cause on ajoute même la classe moyenne aux pauvres.

Alors pour résumer : on a d'abord les très riches qui ne paient déjà aucun impôt sur le revenu grâce aux niches fiscales et qui en plus bénéficient d'un chèque du Trésor Public grâce au bouclier fiscal. Et la solidarité nationale ? Surtout en période de crise ?

On a ensuite les pauvres et les classes moyennes, n'existant que pour subir la détresse sociale, le chômage et les prélèvements fiscaux et sociaux en tous genres.

J'avoue que je suis assez fier de ce résumé. L'exercice qui consiste à faire du Marx en 2010 n'est pas désagréable et je comprends la gourmandise de la gauche et même de certains parlementaires dits de la majorité.

 

Pour autant il convient de rappeler un certain nombre de choses...

D'abord que le bouclier fiscal est un dispositif qui permet de limiter à 50% de son revenu fiscal de référence la somme constituée de l'I.S.F., de l'impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et des taxes locales relatives à l'habitation principale. Pour chaque contribuable il y a donc un rapport avec au numérateur le revenu fiscal de référence et au dénominateur la somme qui vient d'être détaillée.

On remarque alors que la vérité générale consistant à dire que les riches ne paient pas d'impôt sur le revenu grâce aux niches fiscales tout en bénéficiant du bouclier fiscal est assez contradictoire. Car pour bénéficier du bouclier fiscal le contribuable a "intérêt à payer le maximum d'impôts" ! Avec un impôt sur le revenu égal à 0, le contribuable enlève de facto un élément du dénominateur et enlève ses chances de bénéficier du bouclier fiscal. A moins d'avoir un énorme patrimoine générant un énorme I.S.F.... Mais là encore cela n'est pas très cohérent. Car l'énorme patrimoine va le plus souvent générer de gros revenus et donc de l'impôt sur le revenu. Il faut rappeler de plus que la plupart des niches fiscales sont plafonnées, souvent non reconductibles (il est rare que l'on installe une pompe à chaleur chaque année) et constituent toujours une sortie d'argent pour le contribuable ce qui profite à l'activité économique. Cependant il est des situations où l'impôt sur le revenu est faible et où l'I.S.F. est important : il s'agit par exemple du fameux retraité de l'Ile de Ré qui a une petite retraite, classé sans complexes dans la catégorie des très très riches du fait de la valeur de sa résidence principale. On note que ce très très riche n'a pas besoin de niches fiscales pour payer un impôt sur le revenu faible ou inexistant.

 

On dit aussi que les pauvres ont une propension à consommer plus importante que celle des riches, en appliquant les enseignements de Keynes. Ainsi cet argent dépensé pourrait être donné aux plus démunis au nom de la justice sociale. Il est vrai que si on distribuait la somme allouée au bouclier fiscal aux 8 millions de personnes qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté, elles auraient 6 euros de plus par mois pour vivre, de quoi relancer la consommation de manière avantageuse...

Sauf que le constat économique dit autre chose : le niveau de la consommation des Français est très haut et résiste même à la crise économique. En revanche la France est en panne du fait d'un sous-investissement chronique, qui nous vient d'avant la crise. Or pour plagier Keynes, les plus favorisés ont une propension à investir plus importante que celle des plus modestes. On a donc besoin que les Français qui en ont les moyens investissent fortement. Cela vaut non seulement pour ceux qui bénéficient déjà du bouclier fiscal, mais cela vaut surtout pour ceux qui ont les moyens d'investir, qui ne bénéficient pas aujourd'hui du bouclier fiscal, et qui se disent qu'en investissant ils ne devront pas payer plus de 50% de ce qu'ils ont gagné. Je note sur  ce point que tous les pays qui nous entourent l'ont compris. Ainsi le gouvernement socialiste espagnol a décidé dans son plan de relance de supprimer l'I.S.F.... La France est donc le dernier grand pays d'Europe à avoir l'I.S.F., sans doute parce que la France fait toujours mieux que les autres.

 

S'agissant des plus pauvres, fortement secoués par la crise, ce débat laisse à penser que l'Etat les a abandonnés. Oui parce que Nicolas SARKOZY et l'U.M.P. n'aiment que les riches. Pourtant cette caricature ne résiste pas à l'épreuve des faits. D'abord la moitié des contribuables ne paient pas l'impôt sur le revenu, 25% des contribuables sont exonérés de taxe d'habitation (bénéficaires de minimum vieillesse, R.S.A. etc) et 25% paient une taxe d'habitation allégée du fait de leurs revenus. Il faut rappeler que lorsqu'on est exonéré de taxe d'habitation, on est également exonéré de redevance télé... Il existe donc des boucliers fiscaux qui ne veulent pas dire leur nom. Je note au passage que demander aux Français à l'occasion de sondages, dont la motié ne paie pas l'impôt sur le revenu, s'ils sont pour que leurs voisins dit riches en paient plus, est un peu, comment dire, particulier...

Mais il est vrai que l'Etat n'aide pas les plus modestes. Non. Sauf que 20% des Français, les plus pauvres, bénéficient de 60% du montant des prestations sociales (familiales, logement et minima sociaux) selon un rapport du Sénat. Or ce total est d'à peu près 80 milliards d'euros. Notre Etat, qui n'aime pas les pauvres, distribue donc chaque année 48 milliards d'euros à 20% de la population, encore une fois la plus modeste. Il est fait remarquer ici qu'on ne parle pas des retraites, des allocations chômage ou encore des dépenses de santé. Si on devait tout sommer cela représenterait au passage 550 milliards d'euros, soit plus d'un tiers de notre P.I.B. ou de notre création de richesses.

A cet Etat n'aimant pas les pauvres, qui ne pratique aucune redistribution, faut-il rappeler que le plan de relance de l'économie a permis d'augmenter certaines prestations ou encore de supprimer le deuxième tiers et le solde pour l'impôt sur le revenu de la 1ère tranche ? Non, ce n'est pas la peine. L'Etat préfère les riches, en leur donnant 600 millions d'euros dans le cadre du bouclier fiscal.

 

600 millions d'euros pour les riches ? Cette donnée du problème maintes fois entendue ou lue dans les médias est une absurdité qui a pris le statut de vérité. Pourtant la vérité est ailleurs...

60% des bénéficiaires du bouclier fiscal ne paient pas l'I.S.F.. Mieux, le bouclier fiscal bénéficie aux plus modestes d'entre nous. Prenons un exemple simple pour bien comprendre : un célibataire, 50 ans, dans la classe moyenne, propriétaire de son logement. Il perd son emploi et malheureusement du fait de la conjoncture il arrive en fin de droit. Il bénéficiera cependant d'une aide type R.S.A. qui l'exonérera de la taxe d'habitation. Sauf que la taxe foncière devra être payée ! Comme le R.S.A. est non imposable et comme notre Français n'a pas d'autres revenus par ailleurs, son revenu fiscal de référence sera nul. Il bénéficiera néanmoins du bouclier fiscal s'agissant de la taxe foncière. Comme on le voit la classe moyenne n'est donc pas abandonnée. En cas d'accident de la vie (chômage, accident du travail pour un indépendant, etc) le bouclier fiscal permet de faire face quelque peu et peut-être d'éviter de céder son logement pour pouvoir payer... une taxe foncière.

 

En conclusion le débat d'aujourd'hui est particulièrement malsain. On essaie par tout moyen de diviser les Français, même de pointer du doigt des Français, dans une période où tous devraient tirer dans le même sens. La balle est aujourd'hui dans le camp de la majorité : il n'est jamais trop tard pour sauver un dispositif en le défendant correctement.

 

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commentaires

H
<br /> Pas mal... même si au final tu as quand même tord. Le but du bouclier fiscal était d'éviter l'évasion fiscale, par des lois mathématiques 649 < 719 : le bouclier est donc un échec. Et même si<br /> 600 millions ne sont pas 550 milliards, il vaut mieux éviter de les donner aux gens qui n'en ont pas besoin (j'ai bien dis besoin). Et je suis à droite... c'était intéressant à lire,ça remet quand<br /> même pas mal de bêtises en question (faire parler les sondages, souligner que la France reste un pays solidaire,...). Merci bonne journée.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> D'abord merci pour ta contribution.<br /> <br /> <br /> Le but du bouclier fiscal n'est pas d'éviter l'évasion fiscale... L'objectif est d'augmenter le volume de valeurs à taxer... Certes il s'agit un peu d'éviter que de gros contribuables partent<br /> mais il s'agit surtout de faire en sorte que les contribuables qui restent investissent et consomment en France en ne pénalisant pas la prise de risques.<br /> <br /> <br /> Parler d'échec du bouclier fiscal sur la base du nombre de contribuables partis est une grave erreur intellectuelle. 719 contribuables qui partent c'est moins que 649 (!!!) surtout quand le<br /> nombre d'assujettis à l'I.S.F. augmente de 34% dans l'intervalle... Il s'agit de voir surtout ce que la France n'a pas perdu en recettes fiscales grâce à la mesure.<br /> <br /> <br /> Enfin la réflexion sur les besoins n'est pas idiote mais à partir de quel niveau de gains peut-on dire qu'une pesonne n'en a plus le besoin ? Le besoin n'est-il que matériel ? Ne peut-il pas<br /> se trouver dans la reconnaissance ? Bref la question est sans doute un peu plus complexe que tu ne veux le dire.<br /> <br /> <br /> Bonne journée à toi !!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
I
<br /> Petit coucou a un blog où j aime venir et revenir..<br /> Bonne semaine....<br /> LOrent<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Merci pour votre gentil message !<br /> <br /> <br /> Votre blog n'est pas mal non plus ! La référence dans la collection des taille-crayons !<br /> <br /> <br /> Bien à vous.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Bel article...<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> merci !!<br /> <br /> <br /> <br />

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