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26 septembre 2009 6 26 /09 /septembre /2009 00:46

Depuis la crise économique de 2008 et le chômage de masse qui en découle, on parle beaucoup moins du chômage des séniors. Il faut dire que les destructions d'emplois touchent toutes les tranches d'âge de la population.

Pourtant le chômage des séniors, au même titre d'ailleurs que le chômage des jeunes, est une particularité française. Il est ainsi particulièrement triste de constater que le taux d'emploi français des séniors est tout simplement le plus faible d'Europe : moins de 38% des Français âgés entre 55 et 64 ans ont un emploi.

Et voilà tout le problème : toutes les raisons évoquées pour expliquer ce haut niveau de chômage des séniors seraient tout à fait valables dans les autres pays... Sauf que ces derniers s'en sortent mieux que nous !! Un sénior coûte trop cher par rapport à un jeune ? Si c'est vrai en France pourquoi ce n'est pas vrai en Suède ? Un sénior aura du mal à s'impliquer dans son travail en sachant qu'il va le quitter dans les 3 années qui viennent ? Très bien mais pourquoi ce n'est pas vrai au Portugal ?

Ainsi en France on semble ne s'intéresser qu'aux coûts de l'entrée dans l'entreprise (la rémunération est un investissement) ou qu'aux coûts générés par la période d'emploi (est-ce que l'investissement sera rentable si le sénior n'a pas la productivité maximale).

En revanche on évoque rarement, pour ne pas dire jamais, les coûts de la sortie. Ces coûts sont déterminé en fonction du code du travail ou encore des conventions collectives. Il serait peut-être bon de s'interroger sur certains d'entre eux et pourquoi pas comparer nos pratiques avec celles de l'étranger.
Voici deux exemples :


1/ Un sénior est embauché mais malheureusement il finit par être déclaré inapte au travail. Il souffre du dos depuis des années, notamment à cause de travaux physiques réalisés au cours de sa carrière, et évidemment il n'a rien dit pour décrocher ce qu'il espère être son dernier emploi avant la retraite.
L'employeur doit alors, dans un délai d'un mois, trouver une solution pour reclasser ce salarié en l'affectant à un poste compatible avec son état. On imagine bien volontiers que c'est plus facile dans une société de 500 salariés que dans une P.M.E. de 2 personnes...
Si l'employeur ne peut proposer ce nouveau poste, il doit licencier son salarié avec indemnité de licenciement et indemnité de préavis.
Si enfin dans le délai d'un mois le salarié n'est pas reclassé ou n'est pas licencié, l'employeur est tenu de lui verser le salaire correspondant à son emploi antérieur.

Evidemment ce qui est vrai pour le sénior et vrai pour n'importe quel autre salarié et on pourrait se demander quelle est la difficulté. C'est pourtant simple : alors que les problèmes d'inaptitude au travail proviennent de postes occupés chez différents employeurs durant toute la carrière, c'est le dernier employeur qui doit en supporter les conséquences financières. Bref les employeurs du B.T.P. qui veulent embaucher des séniors ont vraiment intérêt à être sûrs de leur coup...


2/ Vous êtes à la tête d'une entreprise du secteur de la métallurgie et vous devez embaucher un ouvrier. Deux CV arrivent : un jeune de 20 ans sans expérience et un sénior de 57 ans qui a 37 ans de carrière dans le secteur de la métallurgie. Il est fort à parier que malgré le CV avantageux du sénior vous déciderez d'embaucher le jeune sans expérience, et ce à cause du coût de la sortie.
En effet la convention collective de la métallurgie prévoit que le dernier employeur verse une prime de départ à la retraite calculée non pas en fonction du nombre d'années passées dans la dernière entreprise, mais en fonction du nombre d'années travaillées dans des entreprises de la métallurgie ! 
En admettant que le sénior de cet exemple puisse partir à la retraite à 60 ans et que vous l'embauchiez, vous pouvez anticiper une prime de départ à la retraite calculée sur 40 ans de carrière à verser dans trois ans... Rien à ajouter !


En conclusion on se plaît à dire que le droit du travail protège les salariés... Si cela est vrai il faut aussi constater qu'il existe des cas où ce même droit empêche des personnes, ici des séniors, à devenir des salariés.


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commentaires

P
J’ai trouvé votre article d’une très grande pertinence, même si le poids des préjugés a aussi sa part de responsabilité dans la faiblesse de l’emploi des seniors. Il serait bon que les pouvoirs<br /> publics et les partenaires sociaux prennent en compte ce que vous avez démontré…<br /> Les règles de droit françaises se retournent bien souvent contre ceux qu’elles sont censées défendre. Ainsi, beaucoup d’aspects du droit du travail vont à l’encontre de l’emploi. Toute la<br /> difficulté de licencier rend les employeurs prudents, si elles ne les dissuadent pas totalement, en matière d’embauche. Les périodes d’essai sont très souvent trop courtes. Les seuils sociaux à 10<br /> et à 50 salariés bloquent les recrutements. L’accumulation des contraintes et les incertitudes sur la bonne interprétation de règles du droit peuvent aussi paralyser la volonté d’embaucher en<br /> France Par exemple : un salarié en CDD semble maintenant pouvoir refuser une modification de ses conditions de travail, comme un changement de 15 km du lieu de travail, pourtant bien desservi en<br /> transport, la faute grave n’étant pas reconnue et elle seule pouvant rompre le contrat (cf. : deux arrêts de la Cour de cassation du 20/11/2013).
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L
Je vous remercie pour votre nouveau commentaire. Effectivement des idées de réformes sont semées ici ou là mais il faut une majorité pour les voter et les défendre. Le décalage entre la théorie et le terrain est funeste pour notre économie : espérons que le bon sens l'emportera !<br /> Bien cordialement,
P
Je vous remercie pour votre réponse. Je pense que la gravité de la situation obligera à réformer. Malheureusement il est probable que seules quelques mesures seront prises, Par exemple, il est possible que les seuils sociaux soient un peu relevés, ou leur impact neutralisé pendant quelques années pour les entreprises qui les franchissent. Bien sûr, la timidité des réformes fera que le bénéfice qui en résultera sera bien faible.<br /> NB : J'ai rectifié l'erreur dans la terminaison du nom de mon site (.fr et non .com), vous pouvez le visiter;<br /> Bien cordialement
L
<br /> <br /> Bonjour Pierre,<br /> <br /> <br /> Je suis désolé de vous répondre si tard.<br /> <br /> <br /> Je vous remercie pour votre soutien et la force de votre message.<br /> <br /> <br /> Je suis plus pessimiste quant au fait d'être tous entendus sur ces sujets : de plus en plus je m'aperçois que la "France" connait en réalité ses dysfonctionnements mais reste tétanisée quand il<br /> s'agit de bouger.<br /> <br /> <br /> Mais gardons espoir !!<br /> <br /> <br /> <br />

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